Dans cette interview, David Lefrançois énumère et décrit les différents processus qui conduisent à l’instauration de violences au sein du couple.
Avant toute chose, il importe de rappeler la réalité : quelle que soit la classe sociale, quelle que soit la culture, quelle que soit la nationalité, la violence conjugale existe partout. Mais si pour les victimes il est impossible de dresser un portrait-type, car à leur personnalité vient s’ajouter la circonstance extérieure déterminante que va les fragiliser (grossesse, stress au bureau, échec à un examen, …), en revanche on a un portrait-robot qui reprend les caractéristiques les plus souvent constatées. Bien entendu, il peut toujours y avoir des exceptions.
Mais majoritairement, le conjoint violent se repère aux comportements suivants :
- Il est dans l’excès pour exprimer son amour
- Il est dans le contrôle, tout doit aller comme il l’a décidé, lui
- La jalousie le domine (« mes coups sont la preuve que je t’aime » !)
- Il pratique l’isolement de sa victime
- C’est toujours de la faute des autres
- La violence est d’abord verbale et psychologique
- Il pratique le chantage affectif
- Il a souvent des problèmes d’alcool
- Encore plus souvent il a lui-même été battu autrefois
Mais pourquoi est-ce si difficile, quand le conjoint se révèle violent, de le quitter ? Parce que le piège tendu est subtil, pervers. La violence ne vient que peu à peu, petit à petit, insidieusement. Entre deux accès de violence, les rapports redeviennent idylliques, le bourreau se transforme en ange. Et petit à petit la victime tout repère : est-il cette personne violente ou est-il ce partenaire idéal ? est-ce vraiment de ma faute s’il perd son sang-froid ? a-t-il raison lorsqu’il me dit et me répète que j’ai bien de la chance qu’il veuille bien s’occuper de moi car j’en vaux peu la peine et je n’ai pas d’amis véritables ? est-ce vraiment vrai que mon entourage me voulait du mal ? La victime finit par douter de tout, ne plus savoir ce qui est vrai et ce qui est mensonge. De plus, le bourreau lui fait croire qu’elle lui est nécessaire, ce qui, après la dévalorisation, renarcissise mais en dépendance au bourreau. Et puis, il y a la honte et la peur de la vengeance (crainte qui malheureusement est très légitime).
Et même s’ils sont significativement moins nombreux, il faut bien avoir présent à l’esprit qu’il y a aussi des hommes battus et que c’est aussi terrible pour eux que pour les victimes féminines.
Un seul moyen d’échapper à ce piège : la fuite. A défaut, c’est la mort. La violence n’est pas quelque chose qui apparaît pour disparaître définitivement quelques temps plus tard et il est faux de croire qu’à force d’amour, une victime pourra apaiser son bourreau. Il n’y a que les moyens thérapeutiques qui peuvent éventuellement aider.
Donc, en réalité, il n’y a qu’une parade : la prévention. Il faut prévenir, alerter, mais aussi écouter, entendre, voir et aider les victimes. Il faut les aider à briser le cercle de leur isolement : le silence ne profite qu’au bourreau.